Guerre de 1870-1871, L'affaire de Longpré,.

1870, La prise de Longpré et les exactions

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Comment tout cela est il arrivé ?

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La guerre Franco-Allemande (19 juillet 1870 – 10 mai 1871) opposa le Second Empire Français et les royaumes Allemands unis derrière le royaume de Prusse (aussi est-elle parfois appelée guerre Franco-prussienne).
Le conflit marqua le point culminant de la tension entre les deux puissances, résultant de la volonté prussienne de dominer toute l’Allemagne, qui n’était alors qu’une fédération lâche d’États quasi-indépendants. La défaite entraîna la chute de l’Empire Français.

La guerre empoisonna les relations franco-allemandes durant les décennies suivantes, contribuant aux rivalités Européennes qui devaient déboucher sur la Première Guerre mondiale. Le fort désir Français de revanche (pour la perte de l’Alsace-Lorraine) donna son nom au phénomène du revanchisme, le désir de punir l’ennemi passé et de regagner les anciens territoires.

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Carte de l'occupatiin Prussienne de 1870 à 1873.
Carte de l'occupatiin Prussienne de 1870 à 1873.

Bibliographie à lire : L'Affaire de Longpré en 1872

L’affaire de Longpré : 28 décembre 1870 Auteur inconnu 1872, 164 pages.
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En décembre 1870 et janvier 1871 :

Le 7 novembre, le général prussien décide d’attaquer Amiens, qu’il rejoint par l’est et le sud. En face de lui les troupes de l’armée du Nord. Le 27 novembre, les Français sont battus à Villers-Bretonneux, Boves est évacué, l’armée du Nord bat en retraite vers Arras abandonnant Amiens à l’ennemi qui y fait son entrée le 28 novembre.
À Hallencourt, le 2 décembre, dans la matinée, l’armée allemande s’empare de 45 fusils à percussion formant l’armement de la compagnie de sapeurs pompiers. Il s’agit de soldats arrivés la veille à Longpré, dont un petit groupe partit pour réquisitionner des armes dans les communes de Wanel, Sorel et Hallencourt. 

Uhlan, coiffé de la Schapska, (dessin de M. Pallandier, 1900)
Uhlan, coiffé de la Schapska, (dessin de M. Pallandier, 1900)

Ils ont de plus réquisitionné trois voitures, deux pour porter du fourrage et de l’avoine, la dernière pour porter les fusils enlevés. Ces armes furent brisées et jetées à l’eau à Condé Folie. Décembre 1870 et janvier 1871 voit les combats se dérouler à l’est d’Amiens (Pont Noyelle, Bapaume, Péronne, Saint Quentin).
Cet hiver fut redoutable, le thermomètre était descendu à -20°, la Somme était gelée.
Le 28 janvier 1871, Paris capitule. La Somme fait partie de la zone d’occupation militaire établie pour garantir le paiement de la contribution de guerre imposée par l’Allemagne à la France.

Village inconnu occupé par les Prussiens.
Village inconnu occupé par les Prussiens.

La journée du 1er décembre 1871 :

De « Journal d’un provincial pendant la guerre » Abbeville 1870-1871. Par Ernest PRAROND
Je dois à l’obligeance de M. Souverain, maire de Longpré, les détails suivants qu’il m’a envoyés dans le courant de 1871.

  Le 1er décembre, sur les deux heures de relevée, arrivèrent dans la commune de Longpré quelques uhlans qui me requirent immédiatement de les accompagner jusqu’à la station où ils brisèrent le télégraphe et coupèrent tous les fils. Un instant après toute leur suite était à Longpré ; elle se composait de cent trente uhlans et de neuf cents fantassins, en tout 1030 hommes. La première réquisition faite comprenait quatre vaches, quatre porcs, cent pains, cent cinquante bottes de foin, cent cinquante bottes de paille, et quarante quintaux d’avoine. Tout cela devait être remis de suite à la Mairie. Vous verrez par la copie de cette réquisition quelle menace était lancée contre Longpré.
Sans attendre les billets de logement que je me suis hâté de faire préparer, ils se sont logés eux-mêmes par groupes plus ou moins importants dans des maisons choisies par eux. Il s’en trouvait jusqu’à dix dans des maisons de pauvres ouvriers qui, assurément, n’avaient rien à leur donner. Ils n’ont pas manqué, dès leur arrivée, de s’enquérir s’il y avait des francs-tireurs à Longpré ou dans les environs.
Des soldats prussiens désignaient par leurs noms des habitants de Longpré et prononçaient le nom des rues.
Tenaient-ils ces renseignements de leurs espions ou de mauvais français ? A peine furent-ils installés que des sentinelles furent placées par eux aux extrémités des rues.
Le lendemain, 2 Décembre, sur les sept heures du matin, ils se sont réunit sur la place et, là, nous avons été témoins d’un fait qui, selon moi, caractérise toute la puissance du chef sur le simple soldat.
Un chef prend un soldat par l’épaule et le jette violemment par terre, puis lui administre force coups de pied et de poing. Le soldat se relève et il subit deux fois encore les mêmes traitements. A la fin, il reste sans mouvement. Un de leurs médecins s’assure de sa situation : et à la parole d’un nouveau chef, il se relève de nouveau, puis, aidé de quelques camarades, il se remet en rang.
« Sur les huit heures du matin une nouvelle réquisition m’est adressée de vive voix. Je m’y soumets en envoyant cinquante ouvriers de Longpré qui ont travaillé à la démolition d’un pont de chemin de fer placé sur la rivière
l’Eauette.
Cette démolition n’allant pas assez vite, suivant eux, on a dû arracher les clôtures du chemin, les placer sous les poutres du pont et y mettre le feu.
  Au moment de leur départ, un d’entre eux s’est assuré par lui-même de la destruction complète du pont de chemin de fer.

Réquisition chez le habitants en 1870.
Réquisition chez le habitants en 1870.

   Je ne vous dirai pas que, dans l’avant- midi, deux groupes de soldats sont partis, l’un pour Abbeville, l’autre pour réquisitionner à Wanel, à Sorel et à Hallencourt, et s’emparer de toutes les armes qu’ils ont trouvées dans ces communes. Ces armes ont été brisées ou jetées dans l’eau. Enfin une troisième réquisition m’est de nouveau adressée. Il s’agissait de fournir à cette troupe 3.000 cigares, 40 livres de tabac et 200 litres d’eau-de-vie. Le tout devait être livré avant une heure de l’après-midi. Nous nous sommes exécutés à l’instant, mais comme il nous était matériellement impossible de fournir la quantité demandée de cigares et de tabac, ils nous ont paru s’en contenter. De une à deux heures après-midi, un courrier est venu à toute vitesse leur apporter une dépêche, et les préparatifs de départ ont été aussitôt commencés et bientôt terminés.
  A la nouvelle de ce départ précipité (ils avaient déclaré ne devoir partir que le lendemain) toutes les figures prirent un caractère assez sombre ; quelques-uns d’entre eux disaient : Vous, Français, grande victoire à Paris. Ils partirent donc. L’infanterie d’abord et la cavalerie ensuite avec les quelques voitures contenant de l’avoine et M. Souverain a bien voulu enfin me fournir quelques détails sur les gentillesses prussiennes pendant le séjour des envahisseurs dans Longpré.
  Chez le sieur Destalminil, cafetier et capitaine de la garde nationale, de sérieuses difficultés sont survenues entre lui et les douze ou les quinze soldats qui se sont imposés chez lui. L’un des chefs, appelé, a donné tort au sieur Destaminil qui a dû sortir de sa maison et n’y point rentrer pendant leur séjour à Longpré. S’ils ont renoncé à brûler sa maison, ils ont déclaré qu’ils la démoliraient à coups de pioche. Leur départ précipité ne leur a sans doute pas permis d’exécuter leur dessein.
  Le sieur Moy (François), cafetier, a vu se dérouler sous ses yeux des actes véritablement révoltants. Les soldats allaient à sa cave, prenaient et gaspillaient sa boisson. Ils l’ont même menacé. Appelé à dix heures du soir par le sieur Moy, j’ai été l’objet de mauvais traitements de la part de ces gueux qui chez un autre cafetier,
Warmel, ils ont volé deux pièces d’eau-de-vie dont l’une contenait 125 litres, (l’autre plus petite.) Quelques soldats l’occupaient dans sa maison pendant que d’autres pénétraient dans la cave.
Au sieur Lourdel, boulanger, qui en conduisait dans sa voiture quelques-uns à Picquigny, ils ont pris une montre d’or. Ils en ont même volé plusieurs autres dans Longpré. Je ne finirais pas si je devais vous raconter tout ce qu’ils ont fait de semblable dans la commune. C’est le brigandage méthodiquement pratiqué.

Exaction commise sur les habitants en 1870.
Exaction commise sur les habitants en 1870.

L'affaire de Longpré - 28 décembre 1870

Journal de l'armée Prussienne par H. DAUSSY

La colonne volante confiée le 25 décembre au lieutenant colonel Pestel, et chargée de surveiller Abbeville, avait constaté la présence des Français à Longpré par un petit engagement qui eut lieu en face de l’Etoile. Il y avait là quelques compagnies de mobiles et de mobilisés, de la garnison d’Abbeville. Le 28 décembre, Pestel partit de Picquigny avec 3 escadrons de lanciers et 3 compagnies du 70éme, fit un détour par Molliens-Vidame et Airaines, et vint surprendre à Longpré les Français qui se gardaient mal, et ne l’attendaient pas de ce côté. Les 3 compagnies de mobiles du Pas-de-Calais qui occupaient Longpré avec quelques compagnies de mobilisés du Nord, en furent chassées après un combat de deux heures, laissant aux mains de Pestel de nombreux prisonniers.

Résumé des combats

Combat entre les forces prussiennes évaluées à 2400 hommes (source française), 900 (sources Allemande). D’une part le Lieutenant Colonel Von Pestel avec 3 compagnies du 70e comme infanterie et 3 escadrons du 7e Régiment de Lanciers comme cavalerie, d’autre part la 6e compagnie du 4e bataillon des mobiles du Pas-de-calais, la 1e, la 2e, la 7e compagnie du 2e bataillon de la 6e légion mobilisée du Nord, 600 hommes (source française) 1300 (source allemande) de l’autre côté.
Les Prussiens sont établis à Picquigny. Les avants postes français sont cantonnés à Longpré.
La prise d’Amiens a eu lieu le 28 novembre 1870.
Les 3 compagnies du 2e bataillon de la 6e légion mobilisée du Nord sont sous les ordres du Commandant BROUTIN (environ 500 hommes). 1e compagnie : Capitaine MORTAIGNE.
2e compagnie : Capitaine BIDENT.
7e compagnie : Capitaine SPRIET Eugène.
La 6e compagnie du 4e bataillon de mobiles du Pas-de-Calais en l’absence du Capitaine AMBIEHL, est commandée par le Lieutenant BLOCQUEL.
Les mobilisés sont armés du fusil à piston modèle 1842. Ils n’ont pas une confiance assurée dans leur arme ;
L’habitude, la discipline, l’esprit militaire leur font complètement défaut. Les Mobiles sont armés de fusils Sniders-Albini-Wilson, peu de Chassepot.
Le 24 décembre ils partent en reconnaissance jusqu’à l’abbaye du Gard et provoquent l’arrivée des uhlans à Longpré le 28.

Le Bugle - Paul Alkexandre Protais
Le clairon - Paul Alkexandre Protais.

Les combats se déroulent dans la neige de 1 heure à 3 heures de l’après-midi.
Le château est pris, une grande résistance est maintenue à l’angle de la rue du château et de la cavée Vincent, on se bat dans le cimetière situé autour de la Collégiale.
Sont tués les gardes nationaux mobilisés du Nord : Delval Baptiste, Piquet, Saintolie et les gardes mobiles du 4e bataillon du Pas-de-Calais : Houssart Caporal, Carpentier Charles, Degourges Louis, Dubois Henry et Dufour Zéphir.
Le Mobile ou Garde BLONDIAU est massacré au Café Français, dans la maison de François MOY, maréchal et cafetier.
Deux civils sont égorgés : une femme du village, Clémentine MIANNAY, défendant son mari avec une fourche et un berger, et Constant DULIN.
Deux civils sont tués : Jean PILVOIX, un boulanger et Achille GABRY, 23 ans, dans la maison au-dessus du Café Français, rue des cloîtres. Jean Baptiste MOY est grièvement blessé.
Des huttiers au nombre de 12 participent au combat et sont considérés comme Francs tireurs.
Dans la neige, 150 prisonniers et 22 habitants du village pris en otages, sont emmenés à Airaines.
Commandant De PERETTI DELLA ROCCA :
“Je dois rendre hommage au patriotisme des habitants de Longpré, qui se montrèrent de vrais Français. Honneur à eux.”
Télégramme allemand (dépêche) envoyé d’Albert : “Le 28, le Colonel PESTEL, des uhlans, avec une colonne volante de 3 compagnies et 3 escadrons, a battu près de Longpré, 3 bataillons de gardes mobiles : il leur a pris 3 drapeaux (ceux de la Mairie, des pompiers et d’une ambulance), 10 officiers et 230 hommes.
De notre côté il y a eu 6 hommes blesses.

Avant l'attaque - Paul Alexandre Protais
Avant l'attaque - Paul Alexandre Protais

Récit de la journée du 28 décembre 1870 par M. Souverain

Maire de la commune de Longpré les Corps Saints.

 Je venais de donner ordre à un employé de la commune de Longpré de se rendre à Condé-Folie pour y recueillir quelques renseignements sur la marche des Prussiens, lorsqu’un habitant de la commune accourt et m’informe de la présence de quelques cavaliers ennemis sur le plateau qui relie Longpré à Hallencourt et qui est à l’Ouest de
Longpré.
  A l’instant même, des soldats se réunissent et se mettent en marche de ce côté. De nouvelles informations viennent presque aussitôt nous apprendre qu’une colonne prussienne, dont on ne peut fixer l’importance, est à peu de distance du château.
En ce moment l’alarme est donnée par le son des cloches dans toute la commune, et les soldats, les chefs en tête, de se porter immédiatement à la rencontre des ennemis qui se trouvent déjà au château.
Les Prussiens descendent, les uns par la rue, les autres par les jardins, c’est alors que nos jeunes soldats les reçoivent avec une très vive fusillade. Ils répondent par un feu de peloton des plus vigoureux. Comme ils s’étaient placés les premiers et qu’ils avaient pour eux l’avantage de la situation, nos hommes ont dû se borner tout simplement à les empêcher d’avancer.
  Les mobiles se sont généralement conduits avec beaucoup de courage. Les uns postés à des coins de rue, d’autres dans des greniers, d’autres enfin, profitant de tout abri quelconque, ont dû faire bien des vides dans les rangs ennemis.
  Les Prussiens, se sachant en force, descendent cependant dans la commune, explorant tous les coins et recoins des habitations, pourchassant devant eux les hommes qu’ils trouvent rassemblés. C’est ainsi que, dans une de nos rues, ils se vengent des pertes subies par eux en tuant deux malheureux pères de famille et en blessant grièvement un jeune homme. Un boulanger, s’occupant à son travail habituel, est contraint de sortir de son établissement et
reçoit, à une cinquantaine de pas, plusieurs coups de feu. Une femme qui veut défendre son mari contre ces barbares est traversée de part en part d’une balle reçue à la poitrine. Ils ont tué ainsi trois civils et en ont blessé deux. Le second blessé souffre encore des suites du coup de feu qu’il reçut à la cuisse, dans sa maison. On croit qu’il ne guérira jamais.

Le fusil Modèle 1866 dit Chassepot
Le fusil Modèle 1866 dit Chassepot du nom de son créateur Antoine Alphonse Chassepot est un fusil de l'armée française mis en service en 1866.

 Nos jeunes soldats, peut-être un peu trop abandonnés à leurs inspirations et manquant d’expérience, se sont laissé faire prisonniers en différents endroits ; mais la majeure partie s’est repliée, comme elle devait le faire, dans la direction d’Abbeville.
  Le compte de nos pertes en soldat ne prouve pas l’adresse de nos ennemis. Nous avons eu à déplorer la mort de sept soldats. Encore parmi ces hommes se trouvent compris :
1° deux soldats lâchement tués dans un mauvais bâtiment où ils se cachaient ;
2° un autre surpris dans un jardin ;
3° deux autres dans des prairies, alors que ces jeunes gens se rendaient et demandaient qu’on les épargnât.
  Le combat fini, des soldats ennemis sont entrés dans un café sur la place où se trouvaient quelques blessés ; et là, à bout portant, l’un d’eux a déchargé son arme sur l’un de ces malheureux. Ils ont même emmené pour quelques instants le médecin prisonnier et lui ont pris une somme de
400 Fr.
  Un chef prussien, à cheval, mis en joue par huit mobiles, s’efforce de leur faire comprendre qu’il se rend ; il recule quelque peu lentement, et revient, avec ses soldats, faire prisonniers les trop généreux enfants.
J’oubliais de vous dire que, pendant l’attaque de Longpré par l’Ouest, une colonne de quatre à cinq cents hommes devait entrer par le Sud-Est.
  Les forces ennemies peuvent être évaluées de deux à trois mille hommes. Leurs pertes, dans ce combat, sont, d’après quelques-uns, portées à plus de soixante-dix hommes.
  Ils se sont retirés sur les quatre heures du soir dans la direction d’Airaines où ils ont passé la nuit, emmenant avec eux 244 prisonniers et 22 civils de Longpré, qu’ils qualifiaient de francs-tireurs. Ils ont placé ces vingt-deux innocents dans un champ labouré, à quinze pas de distance, et ils les effrayaient en leur disant :  Vous, mauvais Français, capout.
Ces vingt-deux habitants ont passé la nuit avec les soldats prisonniers dans l’église d’Airaines, mais grâce à la bienveillante intercession de M. le Curé et de M. le Maire de cette ville, ils ont été mis en liberté le lendemainmatin, 29.
  Les Prussiens ont, à Longpré, brisé deux portes à la Mairie, enlevé tous les drapeaux et prirent sept ou huit pantalons de pompiers. Ils ont aussi enfoncé plusieurs portes à des maisons particulières

Soldat du 8 éme Génie.
Soldat du 8 éme Génie.

A la gloire des Mobiles du Pas de Calais et des locaux

Extrait de L’Affaire de Longpré du 28 décembre 1870 Auteur inconnu 1872.
Avant-postes d’Abbeville:
4éme Bataillon des Mobiles du Pas-de-Calais.

C’est en parcourant les lieux où s’est passé l’événement qu’il raconte, que l’auteur a eu l’idée d’écrire ce récit. Ce n’est pas une histoire militaire selon le sens qu’on attache à ce mot. Le combat de
Longpré, simple lutte d’avant-postes, n’a eu qu’une importance fort restreinte et restera confondu parmi les mille engagements quotidiens de la campagne 1870-71; mais si peu considérable qu’il paraisse, il n’en a pas moins été un fait capital pour les populations au milieu desquelles il s’est livré, et pour le corps de Mobiles qui l’a soutenu; il n’en occupe pas moins une grande place dans leurs souvenirs…

Ce sont ces souvenirs qu’on a recueillis, mis en ordre et rédigés dans un intérêt surtout local: voilà le but qu’on s’est proposé particulièrement dans ce travail. Aussi, la plus large part y est-elle faite au côté épisodique, aux incidents nombreux qui ont marqué cette affaire.
Au milieu d’une population envahie par des forces dix foi supérieures en nombre, de braves paysans se sont rencontrés pour faire le coup de feu côte à côte avec nos mobiles et au mépris du sort cruel dont les menaçait un ennemi sans pitié: n’est-ce pas une chose glorieuse qu’il peut-être utile d’offrir en exemple, même quand la campagne semble terminée ?

Pour venir en aide à près de trois cents prisonniers qu’on jetait dans son église par une froide nuit d’hiver, sans feu, sans pain et presque sans vêtements, une autre population voisine a déployé le plus généreux empressement, son curé en tête, et celui-ci, après des instances répétées trois fois, était assez heureux pour arracher enfin aux Prussiens vingt-deux prisonniers civils qu’ils voulaient fusiller : n’est-ce pas encore un acte méritoire qu’il était bon de recueillir et de rappeler ?
A un point de vue spécial, une poignée de Français, deux cents contre deux mille Allemands, ont tenu à honneur de défendre sans faiblir, au prix de leur sang et de la liberté,1e poste confié à leur garde ; ils n’avaient jamais vu le feu; surpris et abandonnés à eux-mêmes, ils prouvèrent qu’il sera toujours possible de faire le plus grand fond sur une troupe française, si peu qu’on veuille l’armer, l’instruire, lui donner par l’exercice cette assurance et cette habileté de mouvement par laquelle notre intelligence et notre promptitude natives nous rendront toujours supérieurs à nos adversaires: c’est un point de vue qui n’a jamais été plus digne d’attention.
On ne saurait trop, à l’heure présente, s’inspirer de tout ce qui est courage, confiance et dévouement, et en attendant que la France entière pratique ces indispensables vertus, il n’est que juste de les honorer et de les signaler partout où on les trouve,si modestes et si cachées qu’elles soient.
Février 1872.

Les lieux de la bataille de Longpré.
Les lieux de la bataille de Longpré.
Les cuirassiers Prussien à l'attaque.
Les cuirassiers Prussien à l'attaque.

Extrait du rapport de M. Dransart, médecin du 2ème bataillon des mobilisés :

  Des soldats prussiens en grand nombre faisaient irruption dans le café où j’avais établi mon ambulance. Ils pénétrèrent dans la cuisine, pièce dans laquelle j’avais disposé mon linge et mes instruments de pansement. Là aussi se trouvaient les personnes de la maison avec une jeune femme tenant dans ses bras un tout petit enfant, près de moi un mobile blessé à la tête, dont j’avais pansé la blessure. Les prussiens franchissent le seuil, l’un d’eux décharge son fusil à bout portant dans la poitrine du blessé, au même moment mon aide relève le canon du fusil dirigé contre lui et la balle passe au-dessus de son épaule, moi-même je suis mis en joue par cinq ou six d’entre eux et j’étais infailliblement fusillé si je ne m’étais rapidement élancé sur eux en relevant leurs armes et en me mêlant à leurs rangs. L’un d’eux furieux de n’avoir pu m’atteindre, me lança un violent coup de crosse qui déchire mes vêtements et me fait une blessure assez légère sur le côté droit du thorax, c’est alors qu’un des leurs, montrant le brassard que nous portions au bras gauche, fit probablement comprendre à ses camarades qu’ils ne devaient point s’attaquer à nous. Nous fûmes alors constitués prisonniers et amenés au poste…

Un officier supérieur donne l’ordre de nous rendre la liberté et de nous reconduire à l’ambulance. À mon entrée je trouve le plus grand désordre dans tous mes appareils de pansement, mes instruments gisaient pêle-mêle dans la maison, quelques uns avaient disparu, entre autres un rasoir dont la beauté les avait tentés, deux livres, divers médicaments achetés chez M. Fourdrinier, pharmacien, rue St Vulfran, et quatre cent francs en or avaient également disparu. C’est dans une pareille situation, privé des choses les plus nécessaires, et blessé moi-même au point de ne pouvoir presque exécuter le moindre mouvement que je dus en proie aux plus vives douleurs me mettre à l’œuvre avec mon aide.

Ambulance en 1871
Ambulance en 1871

L'enfermement dans l'église d'Airaines.

  Les mobiles et les mobilisés du Pas de Calais, faits prisonniers à Longpré, ainsi qu’un certain nombre d’habitants du village furent enfermés la nuit du 28 au 29 décembre 1870, dans l’église d’Airaines. Le curé de cette paroisse, M. l’abbé Louis Barthélémy Zéphyrin Roussel, parvint à force d’énergie, à sauver de l’exil les 22 habitants de Longpré.
  Voici, à ce sujet, des détails circonstanciés Si longue et si rude que fut la nuit, elle s’écoula pourtant. Avant six heures du matin, une dame pleine de cœur et de dévouement, la directrice des postes, ou plutôt Madame K., sa mère venait annoncer qu’elle allait parcourir tout son quartier pour faire préparer à déjeuner aux prisonniers, et qu’elle comptait bien trouver vite et abondamment de quoi les restaurer et les réconforter avant leur départ…
Mais la plus grande difficulté n’était pas là, c’était de savoir enfin quel serait le sort des gens de Longpré.
M. le curé retourna chez le colonel. Il le trouva à peine levé et lui adressa d’abord diverses demandes, comme de bien vouloir faire transporter en voiture un certain nombre d’hommes, incapables de faire à pied les 28km d’étape qui séparent Airaines d’Amiens… ce qui fut immédiatement accordé. Il s’agissait aussi d’obtenir l’élargissement des six éclaireurs d’Allery, qu’une nuit de prison avait suffisamment punis de leur curiosité : le colonel réserva de ne les relâcher qu’au moment du départ. Et les hommes de Longpré, colonel, reprit son interlocuteur, c’est pour eux surtout que je me présente encore à vous, au risque de vous importuner ; c’est eux surtout que je vous prie de me rendre… c’était la même fin de non recevoir que la veille, et le colonel en s’interrompant plusieurs fois pour donner des ordres pendant cet entretien, montrait encore que le temps lui faisait défaut. Il fallut retourner à l’église ; à peine était-il permis de compter sur une suprême tentative qu’on pourrait peut-être faire au dernier moment.

Eglise Saint Denis d'Airaines.
Eglise Saint Denis d'Airaines.

L’heure du départ était venue. La rue qui précède l’église était encombrée de uhlans ; l’infanterie s’alignait derrière eux. Les prisonniers étaient rangés en colonne au milieu de leurs gardiens… En apercevant M. le curé, le colonel lui fit un salut de loin et continua de s’avancer lentement pour prendre la tête de sa troupe. C’était le moment. Faisant un pas en avant des prisonniers au milieu desquels il se trouvait, M. le curé s’arrêta devant lui et : Colonel, dit-il, vous avez promis de nous rendre vos prisonniers d’Allery : je vous demande la permission de les prendre. Eh bien, répondit le colonel, où sont-ils ? Quatre hommes se détachèrent du groupe où ils étaient avec les autres. Mais, reprit-il, ils étaient six : et les deux autres ? Les deux autres s’étaient évadés à la sortie de l’église. Il y eut une demi-seconde de profond silence. Oh ! Les deux autres se trouvent là, se hâta de répondre le curé en faisant un geste dans la direction du cimetière, et s’adressant aux quatre hommes : Filez vite, vous autres, après avoir remercié le colonel qui veut bien vous relâcher. Ils ne se le firent pas dire deux fois.
L’un des deux évadés raconta plus tard qu’il n’avait pas fait cent pas en fuyant qu’il entendit un appel de trompettes. Il s’imagina que toute la cavalerie prussienne était à ses trousses, et, sans plus tarder, courut d’une haleine jusqu’à
Allery, où il arriva à demi mort de frayeur et de suffocation.
M. le curé continuait de tenir en échec le colonel qu’il empêchait résolument de passer outre…C’est à votre justice que je m’adresse, et je ne fais pas moins appel à votre générosité : plus vous m’accorderez, et plus vous aurez de mérite à vos propres yeux et aux nôtres. J’ajoute qu’il y a parmi ces hommes des pères de famille, ils le sont tous ou presque tous, et qu’en les frappant, vous frapperiez plus encore les femmes, les enfants, de vieux parents, dont ils sont l’indispensable secours. Colonel, vous serez juste, miséricordieux : vous me les rendrez tous, et c’est une prière que je vous adresse…. Le colonel resta dix secondes sans répondre ; enfin : Eh bien, dit-il, M. le curé, je ne puis vous résister, prenez-les. Ce fut un long cri dans la foule : ils sont délivrés ! Ils sont délivrés !
Nos mobiles et nos mobilisés étaient alignés entre les chevaux de la cavalerie prussienne ; la colonne se mit en marche au signal du départ. Pour eux commençait le long voyage de l’exil et de la captivité : il dura dix jours et dix nuits.

Le cimetière de Saint-Privat. Par Alphonse-Marie-Adolphe de Neuville.
Le cimetière de Saint-Privat. Par Alphonse-Marie-Adolphe de Neuville.

Le 3 janvier le sous préfet écrit au maire de Longpré : « Faites publier et afficher avis suivant : « par ordre de l’autorité militaire, les habitants sont requis de porter à la mairie, dans le délai de 24 heures, tous les effets militaires, armes, munitions qui ont été laissées par mobiles et mobilisés à Longpré.
Passé ce délai, ceux qui seraient trouvés détenteurs des dits objets seraient poursuivis conformément aux lois militaires.

Extraits des délibérations du Conseil Municipal.

4 février 1871, contribution aux prussiens.

 La commission municipale de la commune de Longpré les Corps Saints, réunie au lieu ordinaire de ses
séances, pendant la session de février, le 4 février 1871, considérant que la commune de Longpré est imposée
par les Prussiens à une contribution de guerre à raison de 25 F par tête d’habitants, soit la somme totale de
48.050 F, qu’il est impossible de se procurer cette somme dans la commune pour samedi prochain, donne tous
pouvoirs à M. MOREAU, banquier, membre de la commission municipale, de se procurer pour acquitter la dite
contribution de guerre une somme de 50.000 F en offrant en nantissement des titres de rente de la commune.

Neuville_Alphonse, épisode la guerre de 1870.
Neuville Alphonse, épisode la guerre de 1870.
Ville occupée par les Prussiens.
Ville occupée par les Prussiens.

22 février 1871, contribution de guerre aux prussiens.

 La commission municipale de la commune de Longpré les Corps Saints, s’est réunie sous la présidence de M. le
Maire avec les plus imposés pour délibérer sur les moyens d’assurer le paiement immédiat de la contribution de
guerre imposée aux communes du département par l’autorité prussienne.
M. le Président invite l’assemblée à délibérer ainsi que le demande M. d’Hornoy, sur les moyens proposés pour
assurer le paiement immédiat de l’indemnité de guerre réclamée du département, par l’autorité prussienne et
pour épargner aux communes le recouvrement de cette contribution par voie d’exécution militaire.
L’assemblée, après avoir délibéré, décide ce qui suit :
– L’assemblée consent à ce que M. Dauphin, Maire d’Amiens, membre du Conseil Général, agissant au nom et
commendataire de la commune de Longpré et des autres communes du département, contracte aux meilleures
conditions possibles et avec solidarité entre toutes les communes, un emprunt de la somme nécessaire pour
acquitter la contribution de guerre actuellement imposée par l’autorité prussienne et dont le chiffre sera
prochainement arrêté

– Tous pouvoirs sont donnés à M. le Maire d’Amiens pour réaliser cet emprunt et l’assemblée prend
l’engagement solidaire avec les autres communes de rembourser en principal et intérêts cet emprunt au moyen
de ses recettes ordinaires et des ressources extraordinaires déjà existantes ou qui seront crées ultérieurement
par voie d’imposition locale ou autrement.- Il est entendu qu’aussitôt que le Conseil Général sera rentré dans la
plénitude de ses attributions, l’emprunt communal ainsi contracté par M. le Maire d’Amiens, solidairement et à
cause de l’impossibilité de recourir en temps utile au mode ordinaire, sera transformé en emprunt départemental.

Contributions de guerre en 1871.

Lu dans l'Abbevillois du 10 mars 1871 :

 à la suite de l’engagement de Longpré,il parait qu’un grand nombre de cadavres de soldats tués par le feu avaient été jetés dans les marais, dans les tourbières, que dans notre pays on appelle les entailles. Durant les deux ou trois premiers mois, ces corps sont demeurés au fond de l’eau ; mais par l’effet de la décomposition et du développement des gaz,

Les cadavres sont remontés, ces jours derniers, à la surface des eaux.
Les marais de Longpré sont couverts de corps flottants qui donnent un aspect horrible. Il est à craindre que si des mesures ne sont promptement prises, des épidémies ne se déclarent. Des loups ont paru sur plusieurs points. (Boves,Querrieux sont aussi cités)

Lu dans l'Abbevillois le 29 décembre 1871 :

le 27 décembre 1870, plus de 2000 prussiens attaquaient à Longpré deux compagnies du 4ème bataillon des mobiles du Pas de Calais, les 2ème et 7ème. Le combat fut vif. Plusieurs
mobiles succombèrent après avoir vaillamment combattu. Quatre habitants de Longpré moururent aussi frappés dans l’engagement. C’est à l’occasion de ce triste anniversaire qu’un service solennel a été célébré aujourd’hui dans l’église de Longpré. Toute la population de la commune, et beaucoup d’habitants des communes voisines avaient voulu assister à cette douloureuse cérémonie, et payer aux braves enfants morts dans la bataille un juste tribut de larmes et de prières.

Monument des Mobiles cimetière Saint Martin à Longpré les Corps Saints.
Monument des Mobiles cimetière Saint Martin à Longpré les Corps Saints.

M. l’abbé Morel, vicaire général, présidait cette solennité. M. le sous-préfet d’Abbeville, M.de Peretti Della Rocca, commandant du 4ème bataillon de mobiles du Pas de Calais, M. le capitaine Eugène Spriet qui commandait lors du combat le 4ème bataillon et qui a reçu depuis, pour prix de sa brillante conduite, la croix de la Légion d’honneur, le lieutenant Spriet, son frère, bon nombre de mobiles du Pas de Calais étaient présents.
Dans les rangs du clergé on remarquait M. le doyen d’Hallencourt, MM les curés d’Airaines, de Béthencourt Rivière, de Mérélessart, de Rainneville, le vicaire d’Airaines. L’église était splendidement décorée. Sur un catafalque élevé au milieu du chœur on lisait cette inscription :  « AUX BRAVES MOBILES DE L’ARRONDISSEMENT DE BÉTHUNE, MORTS
MARTYRS DU DEVOIR, DANS LE COMBAT DU 27 DÉCEMBRE À LONGPRÉ LES CORPS SAINTS. »
À la fin de la messe, M. le curé d’Airaines, qui avait si bien mérité des soldats et des habitants de Longpré, a dans une émouvante allocution, raconté les péripéties de ce drame…
L’absoute a été chantée au lieu où reposent les braves mobiles morts à Longpré.

La mémoire des morts de 1870

À Longpré, on peut voir dans l’actuel cimetière, le monument à l’honneur des combattants du 28 décembre 1870 qui se sont distingués sur le territoire de la commune. Ces combats firent 8 tués, 15 blessés et plus de soixante prisonniers pris dans l’ancien cimetière où la résistance s’était concentrée.

  • Inscriptions du monument : sur la face avant on lit :
    À la mémoire des français morts pour la défense de la patrie, 28 Xbre 1870, souscription des jeunes de Longpré.
  • Sur la face à gauche :
    Gardes Mobiles du Pas de Calais, 4ème Bon, Houssart Caporal, Carpentier Charles, Dedouiges Louis, Dubois Henry, Dufour dit “Zéphir”

  • Sur la face à droite :
    Gardes Nationaux Mobilisés du Nord, Delval Baptiste, Piquet, Saintolie.
Sur le devant du monument aux morts du village est actuellement apposée une plaque, commémorant le conflit de 1870-1871, datée du 28 décembre 1893. Elle comporte les noms de Constant Dulin, Achille Gabry, Joséphine Joly, Jean Baptiste Moy, Jean Baptiste Pilvoix. Il s’agit des habitants de Longpré tués ou mortellement frappés le 28 décembre 1870. 
Monuments aux morts de 1870-1871.
Monuments aux morts de 1870-1871.
Plaque commémorative des victimes civils de Longpré les Corps Saints.
Plaque commémorative des victimes civils de Longpré les Corps Saints.

13 février 1875, remboursement des contribution de guerre

Par les sieurs Sinoquet Florentin et Bilhaut Fortuné

 Le Conseil Municipal, considérant que le Sieur Sinoquet Florentin, cultivateur à Longpré, réclame à la commune le complément augmenté des intérêts d’une somme de 100 F qu’il déclare avoir prêté à la commune lors de l’emprunt fait le 11 février 1871, à l’effet de payer la contribution de guerre, que la veuve Bilhaut Fortuné, ménagère au dit Longpré, et ses deux enfants réclament aussi avec les intérêts une somme de 100 F qu’ils
déclarent avoir prêté à la commune dans les mêmes circonstances.
Que bien que ces habitants ne soient pas possesseur de titres réguliers qui établissent leurs prétentions d’une manière incontestable, néanmoins il y a lieu vu leur honorabilité de faire droit à leurs réclamations.
Après en avoir délibéré, le dit Conseil établit de la manière suivante le compte de chacun des réclamants, à savoir : Compte Sinoquet : la somme prêtée a été de 100 F, le 1er remboursement effectué à la date du 13 février 1872, 60 F 27 : par conséquent il reste dû 39 F 73.

 Si a cette somme on ajoute les intérêts calculés à 6 % pour le 1er remboursement, ces intérêts sont de 3 F 64, et les intérêts du complément pendant 4 années 3 mois, le paiement étant supprimé de fait, le 11 mai prochain, ces intérêts étant de 10 F 13, on aura le total de la somme due à Sinoquet, lequel total est de 53 F 50.
Compte, veuve Bilhaut et ses enfants, la somme prêtée 100 F, intérêts dus à compté du 11 février 1871 jusqu’au mois prochain, époque présumée du paiement, à 6 % , 25 F 50, total dû à la veuve Bilhaut et ses enfants : 125 F 50.
En réunissant ensemble ces 2 sommes, on a un total à payer de 179 F.
Le dit Conseil, vote le paiement de la dite somme de 179 F en faveur des sieurs Sinoquet Florentin et veuve Bilhaut Fortuné et ses enfants, dit que cette somme sera prélevée sur les fonds libres à la caisse municipale et prie M. le Préfet de vouloir bien approuver la présente délibération.

4 décembre 1890 : Fête commémorative

des combats de Longpré du 28 décembre 1870 :

vote d’un crédit de 700 F,
M. le Président expose, que récemment une souscription a été ouverte pour la restauration du monument élevé sur la tombe des soldats qui ont trouvé la mort au combat de Longpré, le 28 décembre 1870, et pour l’installation autour de cette tombe d’une grille en fer avec soubassement en granit, que tout porte à croire que le montant de cette souscription suffira au paiement de ces divers travaux, mais qu’il conviendrait de célébrer aussi dignement que possible l’anniversaire de ce combat et de recevoir de la façon la plus convenable les autorités qui voudront bien prendre part à la cérémonie.
Après avoir entendu l’exposé qui précède, le Conseil municipal, à l’unanimité des membres présents, décide que la proposition de M. le Président est adoptée.
Qu’un banquet sera offert à la mairie aux autorités qui prendront part à l’anniversaire dont il s’agit et vote à cet effet un crédit de 700 F pour faire face à toutes les dépenses qui seront occasionnées par cette fête patriotique et que ce crédit qui sera prélevé sur les fonds libres à la caisse municipale sera employé par la voie de l’économie

Commémoration de la guerre de 1870-1871.

Suites de la fête commémorative du 28 décembre 1870 Vote d’un supplément de crédit M. le Président expose qu’au terme d’une délibération en date du 4 décembre 1890, approuvée le 30 du même mois par M. le Préfet de la Somme, le Conseil municipal a voté un crédit de 700 F pour la célébration de l’anniversaire du Combat de Longpré.
Mais que les dépenses occasionnées par cette fête commémorative s’élèvent à un chiffre plus élevé et qu’il est réclamé par les Sires prénommés les sommes suivantes ;

  • Par M. Lambert Henri, cafetier à Longprè : 841,00 F
  • Par M. Masse Pascal, charron, au même lieu : 39,50 F
  • Par M. Tirmont, loueur de voiture à Abbeville : 54,00 F
  • Par M. Courtin, tonnelier à Longpré 31,25F
  • Par M. Hautoy, peintre à Longpré : 21,30 F
  • Par M. Gallet, maire : 20,80 F
  • Par M. Masse Joseph, ferblantier à Longpré : 58,00 F
  • Par M. François Lucas, menuisier à Longpré : 10,00 F
  • Et par M. Lourdel Victor, fossoyeur à Longpré : 6,00 F

          Total : 1481, 85 F
De sorte que pour solder l’intégralité de ces dépenses il existe une insuffisance de 381,85 F.
M. le Président demande au Conseil de vouloir bien voter la somme nécessaire pour le solde complet de ces diverses réclamations.
Après en avoir délibéré, ledit Conseil, considérant que ces réclamations sont fondées, décide, à la majorité des membres présents, M. le Maire n’ayant pas pris part au vote, un crédit supplément de pareil somme de 381,85 F
sera prélevé sur les fonds libres à la caisse municipale pour être employée au paiement des dépenses dont il s’agit.
Fait et délibéré en séance et les membres présents ont signé après lecture, à l’exception de M. Lheureux qui a refusé de signer ainsi que M. Florentin Sinoquet.

Récit du 20ème anniversaire des combats en 1890

 Lu dans la revue Le Dimanche en 1890 :
Mgr l’Évêque d’Amiens était venu bien volontiers présider cérémonie à laquelle assistaient MM le sous-préfet, M. le colonel du 3ème Chasseurs, M. de Douville Maillefeu, député, M. de Bonnault, conseiller général, M. le capitaine Spriet, blessé au combat de 1870, M. Henri Saint et plusieurs notabilités des environs, une députation des Mobiles du Pas de Calais. À l’issue de la messe, M. le curé de Longpré, chanoine honoraire de Limoges, a adressé à la nombreuse assistance qui se pressait dans l’église, trop étroite pour la contenir, l’allocution suivante: …
Je ne puis sans une douloureuse émotion me rappeler la sanglante journée du 28 décembre 1870. Il me semble encore entendre le son du tocsin appelant les enfants de la France à repousser un ennemi qui avait su habilement dissimuler sa marche, qui arrivait à l’improviste dans une direction diamétralement opposée à celle que les éclaireurs avaient prise. Je crois entendre encore le sifflement des balles, les cris de fureur des combattants, les plaintes des blessés, les gémissements des mourants. Je me vois encore tout couvert du sang de ces guerriers ramassés sur le champ de bataille… Le lendemain douze cercueils s’alignaient dans la nef de cette église…

Lettre datée du 8 avril 1897,

du sous-préfet de Marcère au préfet au sujet du monument de la guerre 1870-1871 :

Par votre lettre du 19 mars, vous m’informez que conformément à mon invitation, vous avez fait appel du patriotisme de diverses communes de votre département au nombre desquelles se trouvait celle de Longpré les Corps Saints, pour les engager à céder gratuitement à l’Etat, les terrains où étaient inhumées les victimes de la guerre de 1870-71.

Par délibération en date du 2 mars 1892, le Conseil municipal de cette commune, se basant sur la loi du 4 avril 1873, émet l’avis que la tombe située dans son territoire ne se trouve dans aucun des cas prescrits par cette loi, n’est pas susceptible d’expropriation et décide qu’elle restera la propriété de la commune, qui continuera à assurer comme par le passé son entretien.
L’offre de cession que je vous avais prié de vouloir bien faire à la municipalité, avait pour but de pouvoir comprendre pour des subventions consécutives la commune de Longpré les Corps Saints, dans un état de répartition basé sur le chiffre récemment voté en augmentation des crédits réservés aux tombes militaires. En effet, avant même de recevoir la réponse, à ma proposition, j’avais déjà compris cette commune pour une subvention de 50 F pour les fonds d’exercice de 1893. Il ne me sera possible de renouveler ces allocations, qu’en faveur des communes qui ont consenti les cessions de terrain, c’est pourquoi dans l’intérêt même de la municipalité il serait désirable qu’elle revînt sur sa décision : elle conserverait néanmoins le droit d’entretenir à son gré la tombe dont il s’agit mais elle pourrait compter aussi sur le concours de l’Etat.
Recevez …. pour le ministre l’Intérieur, le directeur de cabinet du personnel et du secrétariat André BENAC.
Pour copie conforme destinée à M. le Maire de Longpré avec prière d’inviter d’urgence le Conseil municipal à délibérer de nouveau sur cette question
Après cette communication, le Conseil municipal, considérant que le patriotisme des habitants de Longpré se saurait être mis en doute ; considérant que le monument qui se trouve sur la tombe des soldats de Longpré, est élevé avec le produit d’une souscription provenant des dons faits par les jeunes gens de la commune : considérant que malgré le vif désir qu’aurait le Conseil municipal d’être agréable à M. le ministre de l’Intérieur, il ne serait pas convenable de distraire de l’enclos de l’ancien cimetière Saint Martin, la parcelle où se trouve ce tombeau : Considérant que cet ancien cimetière redeviendra peut-être un jour le cimetière de la commune : considérant bien que le secours de l’Etat ne soit pas à dédaigner, il est préférable dans l’espèce que la commune conserve à sa charge l’entretien du monument dont il s’agit : décide à l’unanimité des membres présents que la délibération du 2 mars 1892, est
maintenue.24 avril 1897 : suite à un crédit de 50F alloué par le ministre de l’Intérieur au village pour la restauration des monuments élevés à la mémoire des soldats tués pendant la guerre 1870-1871

,Réponse du conseil :
Plusieurs membres rappellent que déjà dans sa séance du 2 mars 1892, le Conseil municipal de Longpré a refusé de vendre à l’Etat le terrain où sont inhumés les soldats tués pendant le combat de Longpré du 28 décembre 1870, par la raison que cette inhumation ayant été faite en dehors du cimetière communal, la loi du 4 avril 1873, invoquée pour arriver à ‘expropriation de ce terrain, n’était plus applicable.
Que ce refus a été basé sur le sentiment du pieux respect dont tous les habitants de Longpré ont toujours entouré ce tombeau qui a été surmonté d’un Monument et entouré d’une grillée édifiée en 1871 et en 1890 au moyen de 2 souscriptions ouvertes à cet effet et auxquelles, on prit part sans exception, tous les habitants de Longpré.
Que dans cette même séance, le Conseil municipal, à l’unanimité, a décidé que ce terrain resterait la propriété de la commune de Longpré et que les frais d’entretien seraient à la charge de cette dernière.
Que par lettre du 8 avril 1894, adressée par M. le Ministre de l’Intérieur, à M. le Préfet de la Somme et transmise par ce dernier à la mairie de Longpré, le Conseil est invité à revenir sur sa décision, et, qu’au contraire il a, par une nouvelle délibération en date du 28 avril 1894, et toujours à l’unanimité, maintenu la décision prise par lui précédemment.
Après quoi ledit Conseil, considérant que les sentiments, des habitants de Longpré à l’égard de leurs défenseurs de 1870, n’ont nullement changé et que ceux, qui ne sont plus, ont transmis à leur descendant la vénération dont ils entouraient le tombeau de ces Braves qui rappelaient à plusieurs d’entre eux, la perte d’Etres qui leur étaient chers, morts dans des circonstances semblables.
Considérant que l’acceptation de la subvention offerte par M. le Ministre de l’Intérieur pourrait être considérée comme une acceptation tacite de la demande de concession faite au profit de l’Etat ; considérant qu’une semblable cession
serait certainement prise en mauvaise part par tous les habitants de Longpré, qui attachent à la possession de ce tombeau une sorte de culte qui mérite le respect ; décide à l’unanimité des membres présents, qu’il n’y a pas lieu d’accepter ladite subvention, tout en remerciant M. le Ministre, de l’attention patriotique apportée par lui en faisant cette offre

17 décembre 1895, Anniversaire des combats de Longpré :

M. le Président informe l’assemblée, qu’une délégation du Souvenir Français et de la société l’Abbevilloise, se rendront à Longpré le dimanche 29 décembre courant, pour la célébration de la cérémonie commémorative du Combat de Longpré qui a eu lieu le 28 décembre 1870 et lui demande dans quelle mesure elle veut contribuer à cette cérémonie.
Aussitôt, le Conseil municipal, à l’unanimité des membres présents, décide que la compagnie des pompiers et la fanfare municipale prendront part au 25e anniversaire dudit Combat et vote pour les frais qui seront occasionnés par cette cérémonie commémorative, un crédit de 200 F qui sera prélevé sur celui des travaux et fournitures inscrit sous l’article 29 du budget supplémentaire de 1895.

Morts de la guerre 1870-1871

Gardes Nationaux du Nord et pas-de-Calais

Prénom et NomNaissanceDécésObservation
Charles Carpentier28 décembre 1870 à Longpré les Corps saints (80)Garde National Mobilisé du Pas de Calais. 4e Bataillon. Mortellement frappé d’une balle au front au combat
Charles Louis DEDOURGE12 juillet 1847 à Harnes (62)28 décembre 1870 à Longpré-les-Corps-Saints (80)Garde National Mobilisé du Pas de Calais. 4e Bataillon. Mortellement frappé au combat.
– (Source: Archives communales. Transcription 1873)
Baptiste DELVAL28 décembre 1870
à Longpré-les-Corps-Saints (80)
Garde National Mobilisé du Nord. Mortellement frappé au combat
Prudent DEBONTE29 décembre 1870 à Longpré-les-Corps-Saints (80)Garde National Mobile du Nord 6e Cie. Mortellement frappé au combat, à l’âge de 23 ans
– (Source: Archives communales. Transcription 1870)
Henri Joseph Bernardin DUBOIS14 août 1849
à Lourcher (59)
28 décembre 1870
à Longpré-les-Corps-Saints (80)
Garde National Mobilisé du Pas de Calais. 4e Bataillon. Mortellement frappé au combat
– (Source: Archives communales. Transcription 1873)
Zéphir DUFOUR28 décembre 1870
à Longpré-les-Corps-Saints (80)
Caporal à la Garde National Mobilisé du Pas de Calais. 4e Bataillon. Mortellement frappé au combat, âgé de 25 ans
– (Source: Archives communales. Transcription 1870)
HOUSSART28 décembre 1870
à Longpré-les-Corps-Saints (80)
Caporal à la Garde National Mobilisé du Pas de Calais. 4e Bataillon. Mortellement frappé au combat
PIQUET28 décembre 1870
à Longpré-les-Corps-Saints (80)
Garde National Mobilisé du Nord. Mortellement frappé au combat
SAINTOLIE28 décembre 1870
à Longpré-les-Corps-Saints (80)
Garde National Mobilisé du Nord. Mortellement frappé au combat

Victimes civiles 1870-1871

Prénom et NomNaissanceDécésObservation
Pierre Joseph Constant DULIN28 décembre 1870Berger. Tué par une balle prussienne à l’âge de 49 ans en entrant chez lui
Achille GABRY28 décembre 1870Boulanger était à faire son pain. Mortellement frappé de trois balles à l’âge de 23 ans dans la maison au-dessus du Café Français rue des Cloîtres. Il mourut quelques jours après
Joséphine Appoline JOLY épouse MIANNAY28 décembre 1870Ménagère. En défendant avec une fourche son mari, Clémentin MIANNAY marchand de vaches, et court après ces furieux prussiens et l’un d’eux la tue d’un coup de fusil à bout portant à l’âge de 61 ans
Jean Baptiste MOY28 décembre 1870Maréchal et cafetier. Mortellement blessé à la cuisse brisée par un un coup de feu.
Jean Baptiste PILVOIX28 décembre 1870Ménager. Est délogé d’un grenier où il se cachait. Tué par une balle prussienne à l’âge de 67 ans, au bas de la rue Martin Saillant.

Monument de 1870-1871 au cimetière de Longpré les Corps Saints.
Monument de 1870-1871 au cimetière de Longpré les Corps Saints.